Cette école a payé 1500$ pour une facture de 300$

Ce devait être un projet excitant !

Imaginez la scène : 6 finissants en musique au collège ont une demande pour animer un atelier en musique dans une école secondaire de la région offrant un programme « option Musique » à leurs élèves.

Wow ! La consécration ! Être reconnu comme expert et donner le goût de la musique à des plus jeunes. Ils étaient dans une classe semblable avec des experts il y a quelques années et maintenant ce sont eux qui sont les maîtres, devant la classe !
Wow !

Et en retour, ils recevront un cachet de 50 $.
Bon… on s’excite un peu moins, mais de toute façon, l’argent était presque accessoire dans cette aventure.

 

Tout se passe bien le jour venu. Quelques imprévus bien sûr, mais… « the show must go on » ! C’est la vraie vie qui commence !

 

Ah oui, on leur demande de remplir quelques formulaires afin qu’ils puissent recevoir leur cachet. On vit quand même dans la bureaucratie du ministère de l’Éducation…

Le temps passe.

Le téléphone sonne chez l’un d’eux (on assume qu’il a aussi sonné chez les autres individuellement, mais je me limiterai à raconter l’histoire de l’un d’eux par souci de respect pour votre temps et votre intelligence…).

Ah… d’autres formulaires arriveront. Il semble que nos fonctionnaires hésitent à accepter cette folle dépense sans assurance documentaire additionnelle. Bon ok.

Les 6 musiciens réalisent que le monde aime les notes… de service (ou de sévices dans le cas présent).

Le temps passe… et d’autres formulaires arrivent.
Beaucoup d’autres formulaires dans une épaisse enveloppe.

Et c’est là que JE pète ma coche.

 

Vous aurez deviné que ma connaissance du dossier n’est pas due à une expérience de vision à distance. Un des musiciens est mon fils. Je suis donc témoin de certains coups de téléphone et nous avons la chance, ma conjointe et moi, d’être au courant et de participer aux grandes nouvelles et aux projets spéciaux.

Ce projet faisait partie des « vieilles » nouvelles depuis quelques semaines déjà quand les formulaires additionnels sont arrivés.

Je pète donc ma coche aujourd’hui comme citoyen et payeur de taxes. Comme payeur de taxes qui en a assez de payer pour des tâches sans valeur ajoutée, inutiles, débilitantes et… très coûteuses.

 

Voici donc mon évaluation des coûts que notre société, donc vous et moi, doit assumer pour qu’un étudiant en musique reçoive 50 $.

Mais avant les chiffres, quelques réflexions sur les formulaires… Attachez votre tuque, le monsieur est exaspéré et très, très volubile ce matin…

 

Le formulaire initial demandait les infos d’usage… bon. Légitime. Bien que ces étudiants soient tous inscrits en bonne et due forme au collège local. Aucun bandit ni trafiquant de drogue ou d’armes. Promis.

Le formulaire suivant demandait une confirmation de ces mêmes informations. Bon… Un timbre et une enveloppe de trop, mais… bon.

 

Les formulaires apparaissant sur la photo sont tous arrivés ensemble dans une enveloppe 9×12 incluant une enveloppe préaffranchie de 5×11. Ben oui… pas moyen de faire entrer les formulaires dedans. En plus, garantie de retour à l’expéditeur avec la mention « affranchissement insuffisant », car un seul timbre de 1 $ était apposé.

Bravo ! (vous sentez mon cynisme augmenter à chaque ligne).

Première constatation : chaque formulaire a été surligné individuellement pour éviter les erreurs. Imaginez ! Une personne a surligné individuellement plus de 9 pages par étudiant. Un total de plus de 50 pages. Je ne connais pas votre talent de surligneur, mais si JE devais faire cela, sans me tromper et en m’appliquant, j’estime que ce travail prendrait environ 45 minutes. À 25 $/h plus bénéfices…

Léger choc en voyant la perte de temps.

Deuxième constatation et premier choc sévère : on demande à chacun des étudiants de devenir employé de l’état pour pouvoir recevoir leur 50 $. On sous-entend ici, beaucoup de transactions informatiques, délai d’acceptation, T4 l’an prochain, etc., etc.

  • POUR 50 $ !!!

Troisième constatation : les informations se répètent d’un formulaire à l’autre… Bien sûr… en cette ère de l’information, il faut que tout soit fait sur un formulaire papier, en multiples copies.

Perte de temps.
Perte de temps.
Perte de temps.

 

Ah oui, il faut aussi envoyer un spécimen de chèque… Un quoi ? Mon fils n’a pas de chèque. Il fait ses transactions par transfert bancaire… comme tout le monde. Mais il FAUT un chèque pour justement faire une transaction bancaire pour ces jeunes… Ah oui, j’avoue, mes clients me demandent la même chose… parce que je fais affaire avec eux à répétition ! Autrement, un petit chèque me parvient (ok, ok, un moyen-gros chèque…).

Mais pour 50 $ ? Les frais associés à l’ouverture d’un compte fournisseur se calculent en minutes lorsque JE le fais… en minutes, car je n’ai qu’à effectuer les quelques entrées de données et j’autorise moi-même toutes les transactions… Ce qui n’est certainement pas le cas dans une école.

De toute façon, lorsque la transaction est petite, je demande à mes clients de faire eux-mêmes les opérations en allant sur PayPal. Mon coût d’opération est de 2,75 %. Attendez voir le coût des opérations de cette école…

Autre choc (j’ai perdu le compte…) : on demande aux étudiants de devenir membre du syndicat canadien de la fonction publique !!! Quelle désolante façon d’entrer sur le marché du travail !!!
Qui dit membre, dit cotisation !
Pour un maigre cachet de 50 $.

 

Je poursuis avant de devenir convulsif de colère.

  1. Un formulaire pour la sécurité du réseau informatique : l’atelier est déjà chose du passé et ils ne reviendront pas. La meilleure façon de ne pas transgresser les règles d’un réseau informatique est de ne pas l’utiliser.
  2. Un formulaire pour les crédits d’impôt : Ben oui, un étudiant en musique qui peinera à gagner le salaire minimum doit accumuler ses crédits d’impôt…
  3. Antécédent judiciaire : il est évident que ces étudiants risquent d’être des criminels notoires. Ils ont sûrement bu avant d’avoir l’âge légal et ont peut-être même lancé un réseau de prostitution ou des stratagèmes d’évasion fiscale.
  4. Contrat de travail hors convention : bien que nouveaux membres du syndicat, cet atelier n’était pas inclus dans la convention collective. Le syndrome du tunnel carpien pourrait attaquer ces guitaristes et ils ne seraient donc pas légitimement protégés ?
  5. Retenue d’impôt : ben oui, 50 $ est une somme énorme. On leur en prendra une partie pour payer les pensions des gens qui impriment et surlignent les formulaires…

Oh, mais, me direz-vous, il faut que tout soit légal est dans les règles. Pas question de payer au noir ! Bien d’accord !

Mais quand même… je suis convaincu que certaines factures de restaurant sont perdues par les cadres et remboursées de bonne foi en utilisant la « petite caisse », ce petit montant discrétionnaire que tout gestionnaire a à sa disposition pour pallier aux urgences et éviter les débordements administratifs pour de petites dépenses.

Ah oui… la gentille secrétaire (victime elle aussi des ces stupides procédures… elle s’en est d’ailleurs excusée en appelant individuellement mon fils) suggère que les étudiants viennent remettre leurs formulaires en mains propres…

 

Bon. On y est : les chiffres !

 

Bon, on arrive à 821 $.
Si aucune erreur n’est commise.
Si aucune autre demande d’information ne s’ajoute.
Si tout le monde comprend du premier coup ce qui doit être fait.
Si tout est parfait… ce qui est rarement le cas.
Et si tout le monde est payé.

J’ai estimé que les coûts réels intuitivement dépassaient 1200 $, sans faire aucun calcul préalable. En additionnant les coûts pour les étudiants, on arrive à 1185$. Et je n’ai pas ajouté les cotisations syndicales à venir !!!
Ohhhhhh, j’ai oublié les bénéfices marginaux des employés de l’état… on dépasse donc mon estimation de 1200 $.

Oups… On n’a pas encore payé les étudiants !!!
300$ de plus.

 

Voyant la situation, j’ai suggéré à mon fils de proposer une facture globale de 300 $ qu’il redistribuerait à ses collègues de classe.
Impossible.
À moins qu’il ne soit un entrepreneur.

Il a répondu qu’il faisait des factures à ses clients (musique pour les mariages, etc.)… non… ça ne comptait pas.
Impossible.
Rien à faire.

Les procédures, vous savez…

Hmm… Je me demande si un plombier appelé en urgence une fin de semaine accepterait de remplir tous ces formulaires et de se faire payer dans trois mois…

 

Je répète (encore et encore…) une célèbre citation de Dee Hock, modifiée un peu pour les circonstances.

« Les procédures compliquées et nombreuses engendrent des comportements simples et stupides. Les principes clairs et le gros bon sens engendrent des comportements complexes et intelligents.»

 

En passant, mon fils me suggère de baisser les bras.

Comme contribuable, je ne peux pas. JE dois, vous devez, vous insurger contre ces dépenses inutiles en ces temps d’austérité où les budgets des ministères de l’Éducation et de la Santé sont réduits année après année, induisant des coupes de services alors que des tâches inutiles sont encore et encore ajoutées à des fins obscures de contrôle de coût.

Quand on pense aux récentes révélations sur les fonctionnaires tablettés et payés plus de 100 000 $ par an, on ne peut que ressentir de l’outrage et de la colère.

Quelle belle leçon d’ineptie et d’inefficacité on donne à nos jeunes… Quel bel avenir ils ont devant eux !

Ah oui, le plus drôle… Aucun des étudiants n’a encore eu le courage de remplir les papiers… Tout ce surlignage gaspillé…

 

Prochaine étape… J’envoie l’histoire à des journaux…

 



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