500 $ pour décider comment payer une facture de 300 $

Suite de ma montée de lait récente sur les dédales bureaucratiques nécessaires pour payer 50 $ à six étudiants.

Une fois mon article écrit, j’ai de nouveau tenté d’éviter les affres bureaucratiques aux étudiants en me disant que le gros bon sens prévaudrait.

 

Appel à la secrétaire responsable de l’envoi des moult formulaires :

«Désolée. On n’y peut rien. Je vous passe le professeur responsable du projet.»

 

Appel au prof :

«Je suis découragé ! Je fais ça depuis 10 ans et ça a toujours bien fonctionné. Dans cette nouvelle école, les règles ont changé… Je ne referai plus jamais ceci ! C’est horrible pour les étudiants qui ne pourront pas profiter de cette expérience unique.»

 

Nouvel appel à la secrétaire :

«Je vous comprends. Je suis aussi découragée de devoir traiter tous ces formulaires… ça va prendre un temps fou… mais je vous suggère de parler à ma patronne…»

 

Appel à la patronne.

(en passant, vous aurez deviné que je suis assez persistent lorsque le niveau d’ineptie le justifie !)

Appel à la patronne.

(non ce n’est pas une erreur… deux appels sans réponse malgré mon message détaillé.)

 

Entre-temps, je tente de contacter un journaliste bien connu à la réputation impeccable. Ce dernier est aussi scandalisé et fait des recherches de son côté.

 

Appel au Ministère de l’Éducation : Surprise ! Aucune procédure compliquée lorsque les dépenses sont en-dessous de 1000 $.

Ah bon…

Tiens, tiens…

Et soudain le téléphone sonna.

 

Un appel conférence avec la Directrice Générale Adjointe des Ressources Humaines de la commission scolaire et un… témoin ?

(Attention le compteur tourne… 2 cadres dont j’estime le salaire à 75 000 et 95 000 $… conversation de 15 minutes.. Donc 40 $/h et 50 $/h sans bénéfices marginaux… environ 25 $ pour la courte discussion).

J’explique de nouveau la situation et nos recherches avec le MEQ.

 

Attention, ce qui suit est intéressant :
«À qui avez-vous parlé au MEQ ?» Ah ! on doute de nos sources ! Eh bien… mon partenaire journaliste dont le nom fait frémir les employés des services publics a lui-même appelé le MEQ. Oups… changement de ton…

«Nous devons suivre nos règles.»

«Ces étudiants n’auraient pas dû se faire offrir un cachet… ce ne sont pas des travailleurs autonomes !» Ah bon, depuis quand un individu ne peut pas trouver d’autres sources de revenus ?

«Nous devons respecter les conventions collectives.»

«Le ministère du Revenu nous force à faire cela»… Ah oui, depuis quand deux ministères communiquent-ils ensemble… j’avoue…

Je remarque aussi que le principal atout du cerveau humain n’a pas encore été mentionné : le gros bon sens.

«On vous revient, monsieur. On ne peut pas prendre ce genre de décision à notre niveau et il faudra impliquer le Directeur Général de la commission scolaire. On vous rappelle avant la fin de la journée.»

 

J’attends donc.

18h20 : Je fais un suivi avec mon partenaire journaliste pour lui faire savoir que je n’ai pas eu de nouvelles.

18h22 : Mes dons de télépathe causent une onde de choc dans les champs morphogénétiques de la planète…

Le téléphone sonne.

La DGA RH me fait sourire.

Je dois encore une fois clarifier que toute cette histoire est un exemple bien malheureux de la situation vécue par nos fonctionnaires.

Je ne les blâme pas. Je les plains.

Le manque de courage chronique dans nos organisations publiques et privées est le résultat de décennies d’oppression par le haut. Je ne mâche pas mes mots : oppression.

Fonctionnaires et employés sont trop souvent menacés directement ou indirectement chaque jour par une gestion autocratique Taylorienne qui ne gère que les chiffres tout en oubliant la raison d’être derrière ces chiffres.

Un système d’éducation devrait être géré en fonction de l’éducation de nos jeunes.

Un système de santé devrait être géré en fonction des soins aux patients et, mieux encore, pour prévenir les maladies.

Une entreprise devrait offrir des produits et services pour satisfaire les CLIENTS et non les actionnaires… Ces derniers en auront plein les poches SI, et seulement SI, les clients sont satisfaits.

En fait, le gros bon sens pourrait prendre plus de place.

 

DONC…

Appel à 18h22.

Après maintes discussions, dont une avec le Directeur Général de la commission scolaire, on nous propose une solution simple pour éviter une sortie publique dans nos grands quotidiens… en fait, j’imagine. Ben oui… la peur de l’éclaboussement public. La même peur qui les avait forcés à envoyer 12 formulaires…

Une solution simple et rapide. Finalement.

Tiens, tiens.. c’est donc possible ? Bien sûr !

Mais on me met en garde… et c’est la raison pour laquelle je tente de publier ceci et d’impliquer des journalistes… le mal est profond. J’ai lutté pour avoir gain de cause. La plupart des gens abandonnent avant moi. La prochaine fois, ça ne marchera pas comme ça… parce que…

  • «Ces étudiants n’auraient jamais dû être payés.»

Génial. Vive l’entrepreneurship !

  • «On invite les étudiants au restaurant d’habitude.»

Ah… Combien coûte un dîner des jeunes adultes chez St-Hub… tables d’hôte à 25 $, plus pourboires et taxes 35 $… ah oui, 8 $ de plus si on prend une bière… mais les jeunes de 20 ans ne boivent pas, c’est bien connu…

  • «Ou on leur donne une carte cadeau.»

Ah… Combien coûte une carte cadeau de 50 $ ? Question piège…

  • «On les a engagés pour une clinique musicale… ce genre de chose est régie par la convention, il aurait fallu les payer un salaire de prof…»

Oh ! Et si on avait appelé ça une conférence musicale, un atelier de développement, ou encore… soyons créatif… un après-midi musical…. rien de tout cela ne serait arrivé ?

Hmmm… le choix des mots…

 

Ce qui vient d’arriver est donc…

  • une embrouille administrative
  • un exemple de syndrome de labyrinthite bureaucratique
  • un fantasme de fonctionnaire
  • ou simplement l’absence de bon sens.

Oui je re-cite Dee Hock… le message va bien finir par passer.

“Des règles compliquées engendrent des comportements simples et stupides !”

TOUT le monde à qui j’ai parlé…

TOUT le monde a admis que la solution était là, mais…

Il a fallu que le DG de la commission scolaire s’en mêle.

 

Le pouvoir décisionnel de chaque palier est donc inférieur à 300 $. Quelle aberration ! PERSONNE sous le DG ne peut décider pour 300 $ ? À quoi servent tous ces niveaux hiérarchiques si ultimement, seul le DG peut décider ?

J’ai reçu l’appel 8 h après l’appel conférence du matin. 8 h pour prendre une décision de 300 $. 8 h d’indécision et de préoccupation. 8 h à ne pas faire les bonnes choses pour le bien de nos enfants, de nos patients, de nos clients.

  • 8 h avant d’avoir la décision.
  • 8 h pendant que l’eau monte,
  • que l’ouragan déchire les toitures,
  • que la neige s’accumule,
  • que la pression sanguine baisse,
  • que la transfusion sanguine attend,
  • 8 h d’efficacité réduite pour des problèmes importants.

Combien de discussions inutiles ont-elles eu lieu ?

Combien de temps, de précieux temps, a-t-on gaspillé ?

Combien d’énergie créative a-t-on réduite à néant… encore une fois ?

Le pire dans l’histoire est que ça va recommencer la prochaine fois… si le professeur a encore le courage de passer à travers l’aventure… ce dont je doute.

 

500 $ pour décider comment payer une facture de 300 $ ?

Probablement plus, beaucoup plus, si on estime les opportunités perdues, la perte d’initiative, la baisse du courage de changer les choses, l’essoufflement des intervenants et ah oui… l’impact sur l’éducation.

On vient de nous annoncer que le taux d’analphabétisme a dépassé 50% au Québec.

De l’autre côté, les profs se font mettre des bâtons dans les roues lorsqu’ils prennent des initiatives pour améliorer l’expérience d’éducation de nos jeunes.

Le modèle d’éducation que nous connaissons est assez récent. Mes dernières lectures semblent indiquer que le système de l’école tel que nous le connaissons remonte à l’ère industrielle. C’était la meilleure façon d’entraîner les enfants à suivre les consignes sans rouspéter… pour les préparer au travail en usine !

 

Socrate, Platon et tous les autres vieux Grecs avaient pourtant une autre idée de l’éducation… la philosophie… de philo – ami ou amour, et de sophos – savoir ou sagesse.

Ami du savoir.

Pff… vite !!! Redonnez-moi de la philosophie !

 

Les jeunes seront finalement payés. 50 $ bien sonnant.

Quel triste début de carrière cependant.

Quel exemple pathétique de la génération qui les précède.

Vite… la philosophie à la rescousse !

Faites sortir ces jeunes de la grotte de Platon !

La réalité, fort heureusement, ne se limite pas à des formulaires.

 

 

Lisez l’article à l’origine de cette histoire Cette école a payé 1500$ pour une facture de 300$.


Matériel protégé par le droit d’auteur © Aliter Concept™ 2017. S.V.P. ne pas imprimer ou copier sans la permission de l’auteur.

N’HÉSITEZ PAS À LE PARTAGER pour inciter vos amis à penser autrement!