Le syndrome du nuage gris m’a été expliqué lors d’une conférence en juin 2018.

Un ancien dirigeant mais toujours actionnaire et co-propriétaire d’une compagnie dont les revenus dépassent le milliard de dollars était le conférencier.

Ce dirigeant avait eu l’humilité de reconnaître qu’il avait été victime de ce grave syndrome.

Celui d’être au -dessus des nuages gris et de voir le soleil briller tout en imaginant que cette situation était la même pour ceux qui étaient encore dessous le nuage.

La réalité est tout autre!

La tempête rage sous la couche de nuages.

Notre conférencier nous rappelait que trop de dirigeants ne descendent plus sous les nuages pour évaluer l’état des lieux, le statut de leur organisation. Nos processus de mesures corporatives, de “scorecard”, de “dashboard” de “visual management” sont de merveilleux outils pour résumer l’état des lieux mais…

Telle une photographie bien cadrée, la réalité est tout autre.

Nous avons tous vu de superbes photographies d’une fleur en pleine éclosion, en gros plan. Ou d’une abeille butinant furieusement cette fleur. La photo originale montre également le reste de l’environnement, la fleur poussant au milieu d’un dépotoir, l’abeille entourée de cadavres de ses consoeurs, tuées par les pesticides meurtriers que notre civilisation utilise depuis des décennies etc.

Le syndrome du nuage gris afflige nos dirigeants et les impacts sur nos organisations sont terribles.

Je me souviens de cet autre dirigeant me racontant comment, 15 ans plus tôt, il était revenu d’une assignation temporaire de 8 mois à l’international pour revenir dans son usine et découvrir une situation qu’il ne reconnaissait plus. Son remplaçant avait passé tout ce temps dans son bureau à étudier les sommaires exécutifs des directeurs sans jamais aller voir le “shop floor”.  Ce dirigeant me parlait de sa réaction, de son désespoir quand il demandait à ses directeurs des nouvelles du “plancher” et que tout semblait beau. Il me racontait aussi sa surprise quand il demandait à un de ses fidèles subordonnés travaillant sous les niveaux “supérieurs”, sous les nuages gris, et que la description ne cadrait pas avec les rapports officiels.

Il eut l’humilité de demander conseil à ce subordonné : 

“Retourne sur le plancher !”

“Parle aux gens !”

“Écoute ce qu’ils te diront !”

“Tu l’a toujours fais avant ton départ. Ton remplaçant ne l’a pas fait. Tu as déjà fait le travail, tu as déjà été superviseur. Tu as gravi les échelons sans jamais perdre tes racines…retourne sur le plancher.”

Le plancher!

Là où TOUT se passe.

Le plancher ! 

Là où les gens qui réalisent les résultats qui permettent à une organisation de réussir.

Là où les vraies décisions se prennent, jours après jours, heures après heures, minutes après minutes.

Le plancher !

Là où les acteurs du succès résident.

Le plancher !

Là où les résultats se perçoivent en boîtes, en caisses et en palettes, non en histogrammes impersonnels sur un chiffrier froid.

Le plancher !

Là où le sentiment du devoir accompli se vit en équipe, en sourires et en tapes dans le dos et non en chèque de bonus individualistes.

Sans vouloir être encore accusateur envers nos dirigeants je crois qu’une prise de conscience est requise. Maintenant.

Les exemples de saine gestion apparaissent dans les médias régulièrement, dans les livres d’auteurs sérieux et reconnus, partout.  Je suis toujours étonné de constater la surprise chez certains de mes clients quand je leur présente ces modèles alternatifs de gestion. Certains gestionnaires réagissent avec enthousiasme et embrassent ces nouveaux concepts. D’autres me regardent avec un petit sourire compatissant, bienveillant même,  et répondent avec sympathie que je suis toujours aussi idéaliste mais que c’est une utopie et qu’au fond , je le sais, rien ne changera avec mes histoires et mes métaphores fantaisistes… biologie organisationnelle… ha,ha, sacré François.

La réalité est toute autre.
J’ai occupé le poste de gestionnaire de 1994 à 2005. Je suis allé au dessus des nuages. J’ai vu le soleil. Je suis aussi retourné sous les nuages. J’ai aussi vu que la tempête va passer. 

McCullum, Taylor, Fayol, Weber, Ford, A. Carnegie…ces penseurs, philosophes et industriels du début du XX siècle nous ont donné un style de vie nul à aucun autre. Nous devons être reconnaissants de tout ce que la révolution industrielle a apporté au monde moderne. Nous devons aussi être conscient des dommages collatéraux de cette économie capitaliste de croissance exponentielle qui ne semble pas voir le mur vers lequel elle se dirige.

J’ai espoir de voir et de vivre le profond changement qui s’amorce dans nos sociétés. 

Je m’efforce de partager humblement ce que je vois, ce que j’apprends à mes clients à travers mes interventions, mes articles de blog et mes livres.

Pas toujours facile de garder le cap je vous jure!

Un des aspect les plus encourageants dans cette quête se trouve dans l’extension de mon réseau de connaissances. Connaissances comme dans , “savoir” et comme dans “relations”. La technologie de communication de la fin du XXe siècle et les médias sociaux ont permis une explosion à cet égard.

Un simple courriel, ou message sur une page Facebook et voilà! nous entrons en communication avec des gens, des collègues, des partenaires, des amis…

Une de ces personnes m’a récemment suggéré de lire “L’homme qui plantait des arbres” de Jean Giono. 

“Tu ressembles à ce vieux monsieur qui plantait des arbres, François. Tu sèmes des graines. La plupart mourront. Quelques unes émergeront de la terre et mourront ensuite. Et il en restera pour grandir et créer une forêt… dans trente ans.”

Trente ans!

Gutenberg inventa l’impression de livres en 1440. La première production de masse de livres eut lieu 15 ans plus tard. Environ 300 copies de la Bible. 20 millions de livres furent ensuite imprimés dans les 50 années suivantes.

Trente ans est un délai raisonnable pour faire pousser cette forêt dont les plus hautes cimes perceront la couche de nuage gris et le syndrome du même nom.

Trente ans… et moi qui stresse pour changer les gens pendant la prochaine session des mes communautés de pratique ….pfff.

J’ai le temps.

Il en passera des nuages gris en trente ans.

Et le soleil aura de nombreuses occasions de les percer ces fameux nuages gris.

Il me reste à vous poser cette question : qui est intéressé à faire pousser cette forêt d’espoir avec moi ?


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Crédit photo : Liane Metzler on Unsplash