Fausses barrières

En écoutant une minisérie américaine (Hidden figures), je me remets à penser à la discrimination contre les gens de couleurs au sud de notre frontière. Une autre différence frappante entre nos deux sociétés. Oh, il y a du racisme et de la discrimination au Canada. Il y en a partout. Nier cette évidence me rendrait bien naïf !

En fait, je préfère appeler cela du « différencisme », un néologisme : l’action de focaliser sur les différences entre moi et les autres.

Nul besoin de le nier : on voit toujours les différences entre NOUS et EUX.

Vous entrez dans une salle bondée de gens. BANG ! Vous notez immédiatement les différences,

  • Celle qui a une robe trop voyante,
  • Celui qui porte une chemise à carreaux démodée.
  • Et celui-là qui porte un drôle de chapeau.
  • Cette dame élégante qui marche sur des talons aiguilles en tentant de rester en équilibre.
  • Celle-là encore qui rit comme un corbeau aux ailes cassées.
  • Et oui, ces deux jeunes hommes qui ont un afro dont Boule Noire doit ressentir les frisettes dans sa tombe.
  • Ce couple de dames musulmanes dont on ne voit que les yeux.
  • Cette petite troupe d’Haïtiens qui rigolent et s’esclaffent à un volume inadmissible (pour vous !) dans ce genre d’assemblée.=
  • Ces trois punks semi-gothiques en noir et blanc avec autant de piercings qu’un trio de crucifiés bibliques.
  • Ces 5 Écossais en kilt colorés… hmmm je m’emporte, pas encore vu cette sorte-là !

Bref… ne faites même pas semblant, vous voyez les différences, vous ressentez les différences. Et vous rechercherez d’abord les personnes qui vous ressemblent le plus… peut-être pour discuter des différences des « autres ». Ou peut-être faites-vous partie de cette classe de gens qui s’intéressent aux différences et qui cherchent à mieux comprendre…

Je lisais dans un article de La Presse en 2023 (plates excuses, je n’ai pas noté la date !) que les immigrants n’aiment pas se faire demander de quel pays ils arrivent. Eh bin…j’imagine qu’il y a une façon de le faire qui est acceptable, car je le fais tout le temps et de merveilleuses interactions en découlent !

Je suis curieux de leurs origines pour plusieurs raisons,

  1.  lorsque j’anime des formations ou des communautés de pratique, je demande le nom des participants. Je suis un peu dur d’oreille et les sonorités différentes de leur nom ne me permettent pas de bien mémoriser ce que j’entends . Je leur demande de répéter et d’épeler leur nom. Au delà des noms plus communs (Mohammed ou Luis par exemple) je ne peux simplement pas répéter ce que j’entends. Ensuite, une conversation s’engage sur l’origine du nom et sur la manière de le prononcer correctement (les consonnes « h » du langage arabe sont difficiles pour nos gorges caucasiennes, et les noms indiens dépassent les capacités de ma mémoire auditive, comme Subrahmanyam). Ma prononciation génère la plupart du temps l’hilarité générale… et… un petit malaise quand je redemande pour la énième fois comment le prononcer. Mais mon handicap ne fait que confirmer ces différences si évidentes.
  2.  Comprendre l’origine des gens m’aide à devenir un meilleur intervenant, un meilleur facilitateur, un meilleur formateur, un meilleur animateur.

Pourquoi ?

Une anecdote est nécessaire ! En 2008 un collègue me racontait qu’il avait déjà enseigné à la maternelle en Afrique. Les enfants de sa classe étaient dégourdis, pleins de joie de vivre et très , très vifs intellectuellement. Mais ils étaient tous très jeunes et commençaient à peine leur parcours académique. Mon collègue voulait amorcer une discussion sur les comportements de certains animaux et leur lança tout bonnement une question simple en leur montrant une image d’un magnifique éléphant. « Qu’est-ce que c’est ? »

Et les enfants excités de répondre à l’unisson : Une photo !

Quel choc ! « Bin non, c’est un éléphant ! »

Et les enfants excités de répondre à l’unisson en s’esclaffant : « Bin non ! Un éléphant c’est le gros animal gris là-bas ! ».

Changement de paradigme massif.

Certaines cultures pensent littéralement de façon différente à la nôtre. Détail plutôt important pour un formateur !

Certaines différences sont visibles et certaines restent invisibles.

Mais elles existent !

Et c’est tant mieux ! Le règne animal nous offre plusieurs exemples de l’impact d’une trop faible différenciation des gènes. Les chiens et chats de race ont développé des tares physiques et génétiques qui sont maintenant prisées, mais qui, du point de vue de l’évolution, ne permettraient pas la survie de la race. Le museau renfoncé des bouledogues cause des problèmes respiratoires, les pattes très courtes des bassets en feraient des proies faciles à rattraper, etc. Certaines espèces, comme les guépards, sont fortement homozygotes (peu de variations génétiques entre eux) et seraient éradiqués si un virus mortel les frappait, car cette homogénéité ne permettrait pas aux individus différents de résister.

L’agriculture nous offre aussi des exemples de problèmes quand l’espèce de fruits, de céréales ou de légume est trop homogène : la famine de la maladie de la patate au milieu du XIXe siècle, le phylloxéra qui a décimé les régions viticoles d’Europe à la fin du XIXe siècle également…

Je passe sous silence les nombreuses maladies génétiques de certaines populations humaines causées par une trop grande consanguinité partout dans le monde.

Bref…

VIVE LES DIFFÉRENCES !

La célébration de la différence n’implique pas une acceptation cependant ! Nos histoires nationales regorgent de tristes et dramatiques exemples où ces différences ont été exploitées pour polariser les gens et alimenter la haine.

Donc, d’un côté : VIVE LA DIFFÉRENCE

De l’autre : NOUS et EUX.

Lorsque j’enseigne à de nouveaux formateurs, j’ai développé un exercice de prise de conscience inconfortable qui permet aux formateurs de vivre la discrimination dans un environnement convivial. Oui, la discrimination, positive et négative. L’exercice est puissant et bref. Chaque participant a une étiquette autocollante sur le front. Nous discutons ensuite d’un sujet d’actualité : politique, controverse, économie, une guerre en cours, etc. Tout le monde voit les étiquettes des autres participants.

  • La conversation n’a qu’une contrainte : on interagit avec l’étiquette et non la personne.
  • La personne qui a « Le BOSS » collé au front est traité avec respect.
  • Celui qui a « IGNOREZ-MOI » parle, mais n’est pas écouté
  • Celle qui a « RIEZ QUAND JE PARLE » ne se trouve pas drôle du tout !
  • Celle qui a « TOUJOURS RAISON » se sent bizarrement mal à l’aise de ne rencontrer aucune résistance.=
  • Celui qui est « LE PETIT NOUVEAU » est considéré avec sympathie, mais…

La conversation se poursuit quelques minutes et on discute de ce que les participants ont ressenti. Comme tout le monde dans la salle a probablement déjà vécu la situation d’avoir une étiquette dans le front dans un groupe, tous les participants se remémorent cette situation.

J’utilise l’histoire de Pygmalion , ce sculpteur de l’Antiquitié qui prenait ses fantasmes pour une réalité, pour montrer que nos perceptions des autres deviennent une réalité et qu’il faut enlever les étiquettes que nous leur collons au front, tout en reconnaissant que c’est une mission presque impossible.

Dichotomie  :

Nous DEVONS éviter de coller des étiquettes sur les gens

Et

il est IMPOSSIBLE de ne pas le faire.

Mais la grande leçon de cet exercice et de cet article est surtout d’en prendre conscience.

    • Prendre conscience de ces différences
    • Prendre conscience de notre incapacité à accepter inconditionnellement ces différences
    • Et accepter avec bienveillance et humilité cet état de fait : nous sommes toutes et tous coupables de « différencisme » !

Alors seulement pourrons-nous vivre ensemble harmonieusement.=

Ouf… pas facile. Le dire et l’écrire est un début.


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