« Il n’y a plus rien à découvrir… »
En janvier 1900, lord Kelvin annonçait : « Il n’y a plus rien à découvrir, la seule chose qui reste à faire, ce sont des mesures toujours plus exactes. » Et en décembre de la même année, Max Planck introduisait les premiers éléments de la physique quantique, ouvrant ainsi les portes d’un monde complètement nouveau.
Tout d’abord, un peu d’histoire.
Lord Kelvin est le premier scientifique à calculer la valeur du Zéro absolu. On savait que le concept de la température la plus froide existait, un zéro… absolu, mais Lord Kelvin a pu le calculer.
Assez froid, merci… −273.15 degrees Celsius. On inventa au même moment une nouvelle unité de température. Les degrés Kelvin… bin oui ! Et dans ce cas, il n’y a pas de température négative avec cette échelle de température. Le Zero Kelvin est le zéro absolu. En cette période de canicules à répétition ( été 2025), parler de zéro absolu est le sujet le plus chaud possible!)
L’eau gèle à 273,15 K et bout à 173,15 K. On comprend rapidement que les degrés Kelvin ne sont pas « cool ». (Ok. OK, je ne pouvais m’empêcher de faire une blague sur ça !) L’eau qui gèle à zéro et bout à 100 est tellement plus élégant !… et cool ! (Je vous dis, je ne peux m’empêcher !!)
Ce qui m’a frappé dans l’histoire de Lord Kelvin c’est surtout son énoncé à propos des découvertes scientifiques. « Il n’y a plus rien à découvrir… » Tellement déprimant !! J’imagine sa déconfiture et son humiliation quand Planck est arrivé avec les premiers concepts de la mécanique quantique et que Einstein a fait exploser le reste du monde scientifique avec E=Mc2 !
Ce qui m’a le plus marqué dans sa déclaration malheureusement célèbre est sa conclusion :
« …la seule chose qui reste à faire, ce sont des mesures toujours plus exactes. »
Encore plus déprimant ! Déprimant parce qu’il avait raison sur ce point, et que, 120 ans plus tard, on continue encore à mesurer et à évaluer ! Je parle bien sûr de nos statistiques et de nos indicateurs de tout acabit ! Oh, je vous vois venir, statisticiens de mon cœur ! J’entends déjà vos protestations vociférantes quant à la valeur des statistiques, et je suis d’accord avec vous. Là où j’insiste, c’est dans l’utilisation de ces statistiques pour faire dire ce qu’on veut à ces chiffres. On prend pour exemple les sondages électoraux… ou les données de la performance de l’économie ou des chiffres sur le taux de chômage et de la progression de… quoi que soit !
Et plus encore, ma déprime atteint des niveaux de profondeurs abyssales quand je vois comment on mesure tout avec les indicateurs de performance, les fameux KPI, dans les organisations. Ces KP qui orientent nos actions et nos décisions, qui devraient nous motiver à atteindre des sommets… Sommets dont la hauteur est dictée par les KPI !
Et je ne cesse de penser à la loi de Goodhart :
“Toute régularité statistique observée a tendance à s’effondrer dès lors qu’elle est soumise à une pression à des fins de contrôle.”
Ou encore, comme Mario Biagioli l’explique :
“Toutes les mesures d’évaluation scientifique sont vouées à être utilisées de manière abusive.
La loi de Goodhart […] stipule que,
lorsqu’une caractéristique de l’économie est choisie comme indicateur de l’économie,
elle cesse inexorablement de fonctionner comme telle parce que les gens commencent à la jouer.”
OU encore à la loi de Campbell, qui précède celle de Goodhart
“Plus un indicateur social quantitatif est utilisé pour la prise de décisions sociales,
plus il sera soumis aux pressions de la corruption
et plus il sera susceptible de fausser et de corrompre les processus sociaux qu’il est censé surveiller.”
En termes simples, un indicateur devient inutile s’il devient une cible, car on a tous observé dans nos organisations que les gens cherchent alors à le manipuler pour l’atteindre plutôt que de s’efforcer d’atteindre l’objectif initial que l’indicateur était censé mesurer.
Je suis aussi tombé dans le piège en 2007 lorsque j’ai imaginé un KPI pour mon entreprise. Pendant 2 ans j’ai focalisé sur l’écart entre ma performance réelle et la performance que je souhaitais. Je mesurais et je comparais et mon stress augmentait en conséquence. J’ai un jour cessé de penser à ce KPI puisqu’il ne générerait rien de bon. Je me suis aussi rappelé comment ces satanés KPI avaient pourri mon existence lorsque j’ai encore un employé, cadre d’une grande entreprise. J’ai donc abandonné cette quête pour atteindre ce sacro-saint objectif.
Pour me rendre compte quelques mois plus tard que je l’avais dépassé finalement!
J’avais cessé de focaliser sur la cible tout en misant quand même ma performance. La cible était la source de mes soucis. J’avais suivi les directives de Lord Kelvin : je mesurais de plus en plus précisément ma performance pour tenter de comprendre comment j’allais atteindre ma cible, puis, tout à coup, la loi de Goodhart a pris le dessus, la cible a corrompu mon indicateur.
J’ai abandonné cet indicateur. J’ai ensuite utilisé des indicateurs qui me permettaient de m’épanouir. Quand j’ai analysé mes 57 projets en collaboration avec un collègue, nous avons développé d’autres indicateurs : le plaisir à accomplir un projet, les efforts nécessaires pour réussir et, oui, cet indicateur qui était la source de mes préoccupations… les revenus associés à un projet.
Cet indicateur qui a ruiné mon bonheur pendant 2 ans était encore là, mais mitigé par d’autres indicateurs tout aussi importants, mais moins quantifiables ! Allez quantifier le plaisir… ou l’effort ( pas le temps requis… l’effort !).
Les grands penseurs de notre ère ont réfléchi à la valeur des choses et à leurs mesures…
Drucker ne disait -il pas, si quelque chose a de la valeur, il faut le mesurer? Ou encore « Si on ne mesure pas, on ne peut l’améliorer »?
Mais aussi « tout ce qui a de la valeur ne se mesure pas toujours » (attribué à Saint-Exupéry)
Ou encore « Ce qui a le plus de valeur ne se mesure pas? » (Je cherche l’auteur de celle-ci… Einstein?)
Mesurer c’est bien. Trop mesurer l’est moins.
Bien mesurer, c’est mieux !
Je suis curieux… si vos KPI ne vous aident pas, pourquoi les conserver?
Si vos KPI ne représentent pas la réalité, pourquoi ne pas en trouver de meilleurs?
Lord Kelvin ne pouvait deviner le futur et notre propension à tout mesurer.
Lord Kelvin et son Zéro absolu me font parfois bouillir de colère…
à 100 Celcius ou 273 Kelvin !
Ce blogue est gratuit… mais… rien n’est vraiment gratuit! La gratuité passe sous silence le temps passé à rédiger cet article, faire les lectures appropriées, corriger les typos ( oui, oui, je tente de toutes les corriger!), etc.
Votre contribution volontaire est grandement appréciée!!
Cliquez ici pour contribuer https://square.link/u/myCwbcVF. Des frais de 3% sont inclus dans ce paiement (payé par moi) . Si vous pensez que ça vaut la peine, ajouter un petit montant pour compenser.
Envoyez l’hyperlien de cet article à un ami ou un collègue qui pourrait en bénéficier ; ne copiez pas le contenu dans un courriel.
Partagez cet article sur votre réseau social préféré! Vous ne pouvez imaginer l’impact sur la visibilité de mon site!
SVP ne faites pas de photocopie sans en demander la permission à l’auteur… flavallee@aliterconcept.com… ça, c’est moi!
Crédits photos : Haut de page :https://www.pexels.com/@fr3nks, Lord Kelvin , Wikipédia
Matériel protégé par les droits d’auteur © 2025 Aliter Concept™