Je lisais récemment une série d’articles sur la gestion du risque (liste des sites consultés à la fin de la chronique). On entend beaucoup parler de ce sujet “hot” depuis quelques années. L’industrie alimentaire a d’ailleurs une longueur d’avance sur le pharmaceutique avec l’implantation du système HACCP (Hazard Analysis of Critical Control Points). Quand on y regarde de près, plusieurs points communs sont évidents avec les BPF. La principale différence réside dans le fait que le secteur pharmaceutique considère que tout risque est inacceptable alors que l’alimentaire essaie plutôt de minimiser les coûts en gérant efficacement les points critiques.

Oh, j’entends déjà les sceptiques : TOUT est critique dans le pharmaceutique.

Je dois, à ce point, vous contredire.

ANECDOTE

Mon premier contact avec la gestion du risque remonte à 2004 alors que, par hasard, j’ai assisté à un cours de 2 jours sur les concepts de HACCP. Je fus frappé par la lucidité du formateur et la simplicité du système. Certains outils affichaient un niveau de complexité qui me dépassait, mais un certain tableau a accroché mon regard. Le FMEA, ou Failure Mode and Event Analysis. Comme le conférencier semblait dire que le FDA aimait bien de genre d’outil (le gabarit utilisé pendant le cours provenait du FDA!) et que nous allions vers une première inspection de cette même agence, ma curiosité a été piquée.

Comme d’habitude dans ce genre de cours, les concepts étaient intéressants, mais peu applicables directement à notre réalité. Mais ça cogitait par en dedans!

Rôle de la gestion du risque

Le vif du sujet est la possibilité de gérer les non-conformités par la gestion du risque. Peut-on sciemment décider de laisser tomber certaines non-conformité? Non, bien sûr! Il est cependant possible, voire nécessaire, d’évaluer le risque potentiel associé à chaque non-conformité pour éviter d’avoir à mettre en place des actions correctives coûteuses et parfois inutiles suite à un écart qui ne représente qu’un risque très faible.

D’où l’importance de bien évaluer chaque situation.

D’où l’importance, une fois le risque évalué, de focaliser les efforts sur les situations qui représentent réellement un risque pour nos clients… et laisser de côté, pour un temps du moins, les situations à risque faibles.

Pareto a beau avoir vécu au début du XXe siècle, sa loi du 20-80 demeure un incontournable.

Gérons les 20% critiques et 80% de nos problèmes de conformité seront résolus. Allouons 20% de nos efforts sur ces situations à haut risque pour récolter 80% de résultats.

Dans cette optique, l’investissement de temps nécessaire à l’analyse de risque devient effectivement un investissement très rentable. Plutôt que de mettre en place des analyses de cause fondamentale pour chaque écart, plutôt que de mettre en place des actions correctives pour chaque situation problématique, focalisons nos énergies sur ce qui est vraiment important. Une fois cette étape franchie, il sera temps de retourner à la grande liste des écarts et d’initier les actions requises pour la prochaine strate de problèmes, celle des écarts à risque moyen.

Le suprême avantage de cette méthode est d’abord psychologique. N’importe quel individu sain d’esprit sera réduit à l’état de larve en voyant la montagne de problèmes à régler dans une compagnie. Prioriser les risques selon une méthode simple fera exploser la montagne en série de buttes peu élevées. L’impact pour les exécutants est immense! Non seulement leur simplifiez-vous la vie en priorisant, mais en plus, vous dégagez leur horizon. La montagne les empêchait de voir plus loin alors que les buttes leur donnent une perspective beaucoup plus motivante et intéressante.

Le deuxième aspect est la philosophie associée à la gestion du risque : Identifions les points critiques de nos opérations.

AHAH! Un lien direct entre la gestion de la qualité et la gestion des opérations!

Une des critiques fréquentes des inspecteurs et investigateurs des agences réglementaires est l’absence frappante entre les services d’assurance qualité et la gestion des opérations. Pourquoi avoir un système d’auto-inspection si le comité de gestion traite le rapport comme une pacotille sans importance? Pourquoi avoir un système de CAPA (Corrective Action/Preventive Action) si les budgets nécessaires ne sont pas approuvés par le directeur des finances?

La gestion du risque permet l’allocation des ressources de façon saine ET systématique. Oh bien sûr, qui dit systématique, dit également un peu de documentation. Mais la méthode scientifique n’implique pas automatiquement une tonne de paperasse.

Au contraire, les méthodes proposées par le système HACCP sont relativement faciles à documenter. De plus, une de celles-ci, le FMEA, vous permet de représenter chaque situation relativement à la fréquence de l’événement (ça arrive combien de fois par an, par mois, etc.?), sa gravité (on va tuer quelqu’un ou bien cela sera-t-il un irritant pour le système informatique?) et son degré de visibilité (va-t-on s’en apercevoir?). Le tout compilé dans un tableau montrant le résultat de la multiplication de ces trois facteurs. Un simple nombre entre 1 et 1000 vous permettra d’identifier en un coup d’oeil quelles sont les situations à régler TOUT DE SUITE!

Simple à comprendre, simple à utiliser et particulièrement utile pour convaincre les inspecteurs et les comptables du bien-fondé de vos décisions, le tableau généré par votre analyse FMEA est plus efficace pour baisser le niveau de stress qu’une tisane par intraveineuse.

100% garanti?

NON.

Rappelez-vous le 80-20 : 20% de vos situations problématiques “risquent” d’avoir été mal évaluées. Mais ne parle-t-on pas de GESTION du risque? Ceci implique que nous acceptons le risque, un concept difficile à accepter dans un environnement normé, réglementé et strict. Mais le contraire est impossible.

Le risque ZÉRO n’existe pas! Rappelez-vous le triangle paradoxal de la qualité, modèle intuitif, je vous l’accorde. La métaphore est cependant exacte et appropriée assez souvent pour être considérée :

QUALITÉ

VITESSE

ÉCONOMIE

Vous ne pouvez choisir que deux des trois côtés du triangle paradoxal : Qualité et Vitesse élevées… faible économie; Qualité et Économies élevées… faible vitesse : Vitesse et Économie élevées… faible Qualité.

MAIS si on ne met pas des efforts partout pour TOUT régler…Il faut un certain temps pour s’approprier la notion de risque acceptable. Intuitivement, nous le savons tous. Les nombreuses réglementations auxquelles nous sommes soumis nous ont forcés à voir nos opérations comme une longue série de règles à respecter. Le principe même des normes, lois et autres réglementations impliquent une rigueur à les faire respecter. Mais entre rigueur et rigidité existe une fine ligne qu’il ne faut par dépasser. La gestion du risque permet de tracer plus clairement cette fine ligne et oblitère le besoin d’essayer de tout faire de façon parfaite.

Car de toute façon, l’humain qui est à la base de toutes ces règles est lui aussi faillible.

En attendant la prochaine chronique… Faites la différence !

Références utiles :

The basics of FMEA, McDermott et al, 2nd Ed. 2009

Reviews of Beauty Products

http://www.pharmamanufacturing.com

http://www.askaboutvalidation.com

“A ship is safe in harbor, but that is not what ships are for. ”   William Shedd

Par François Lavallée, M. Sc.

 

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