Hybride? Faites-moi confiance!

Oui ça m’intéresse. Beaucoup. J’ai quelques questions d’éclaircissement.

« Vas-y. Je t’écoute »

Je fais une entrevue de sélection pour un nouvel emploi. Bon, « sélection » est un peu fort. La personne qui m’engage est mon ancien patron avec qui j’ai eu un plaisir fou à collaborer. Ce qui a commencé par un appel de sa part pour un coup de main pour un projet et s’est terminé par une question de ma part :  Cherches-tu un remplaçant pour votre formateur ?

« Oui »

Et si je te proposais ma candidature ?

« On lunche et on jase ! »

Nous sommes en 1998. J’ai passé les trois dernières années à développer des programmes de formation pour une entreprise pharmaceutique. Les outils de présentation de l’époque étaient archaïques et mes visées au niveau visuel coûtaient très cher en atates couleur !


(J’ouvre une parenthèse.

Bon, hmm, je dois prendre du recul. à l’époque, une « présentation » consistait en une série d’acétates transparents noirs et blancs, pleines à craquer d’information. Une innovation en soi, puisque beaucoup moins chères que les diapositives utilisées jusqu’alors. Mais la production des ces acétates coûtait entre 2 et 4 $ chacune. Et comme j’aimais avoir des acétates avec peu de « bullet points »… ma pile d’acétates était épaisse !

Ah oui, et si on trouvait une coquille, on recommençait les impressions.
Quand les projecteurs multimédias apparurent, j’ai eu une épiphanie… et une crise de nerfs pour convaincre mon patron d’en acheter un usagé, pour 3500 $.  Oui, je sais , le miroir de projection ( à droite) est étrange mais était vraiment excité!! Quelle économie ! On pouvait en louer un à 200 $ par jour ou en acheter un pour 3500 $… le choix était limpide ! De plus, je venais d’obtenir une subvention du gouvernement pour faire de la formation à l’interne !
Il me restait à obtenir la permission d’installer un logiciel qui n’était pas permis par notre service d’informatique : PowerPoint ! Bin oui, on utilisait Freelance Graphics de la suite Lotus sur Windows… 3.1 !
Donc, Windows 95 et PowerPoint. Mon patron avait autorisé la dépense… 800 $ que je me suis empressé de mettre sur ma carte de crédit. J’ai ensuite passé le plus clair des deux semaines suivantes à optimiser mon ordinateur (un Pentium 5 avec disque dur de 200 Mb). Un 800 $ que le service informatique n’avait pas approuvé et refusé de rembourser. Ça s’est bien terminé, mais ce fut pénible et le début e’une longue bataille pour rester à l’Avant-garde des innovations technologiques.
Je suis devenu un pro des projecteurs multimédias, des présentations PowerPoint, et un semi-crac des ordinateurs… un vrai nerd quoi.

Fermons la parenthèse )


Lorsque mon patron de l’époque a quitté l’Entreprise, j’étais démoli. Il m’avait fait confiance et ensemble non avions donné un sérieux coup de barre à la formation de cette entreprise. Quand il a appelé pour avoir un coup de main pour son nouvel employeur, la tentation de le suivre était forte !
Retour à l’entrevue et à mes questions
1— Pourrais-je avoir un laptop et travailler de la maison quand je le jugerai nécessaire ?

« OUI »   (Note : certains collègues gestionnaires ont posé des questions… et reçu des réponses !)

2— Quel pouvoir décisionnel aurais-je ? Je pourrais dépenser combien sans avoir à te demander la permission ?

« 5000 $ »  (Note : je n’ai jamais redemandé la permission pendant les 7 années suivantes et je n’ai jamais abusé de la situation.)

3— Pourrais-je accumuler du temps supplémentaire et avoir congé la semaine de relâche pour la passer en famille ?

« Je me fous de ton horaire ou du temps que tu passes au bureau ou ailleurs. Je veux des résultats »
(Note : personne n’a jamais posé de questions ! Mon équipe et moi-même avons toujours livré la marchandise… et plus !)

4— Si tu m’as demandé pour cette entrevue, j’imagine que c’est parce que tu me fais confiance pour t’en donner des résultats ?

…. un grand sourire !

Une poignée de main plus tard (et quelques paperasseries ) et je commençais une nouvelle étape de ma carrière. J’ai donc travaillé à la maison à chaque fois que c’était nécessaire.

  • Pour éviter le « rush hour » de certains jours.
  • Pendant les jours de tempêtes.
  • Lorsque je sentais le besoin d’être concentré sans interruption.

Évidemment, les collègues de mon équipe le savaient et pouvaient me contacter par téléphone. Et qu’ils faisaient rarement. Les collègues que nous avons engagés étaient autonomes et professionnels. Ils étaient performants et oh… bien sûr, ils pouvaient aussi travailler à la maison s’il le désiraient. Certaines tâches ne pouvaient ^tre effectué de la maison. Certains positions avaient peu d’opportunité de le faire. Il n’y a jamais eu de situations problématiques,

C’était une autre époque… Pas vraiment. Le concept du travail à la maison ne m’a jamais fait me questionner sur ce qu’on entend dans les médias :

  • « Mes employés sont moins performants ! »
  • « Comment puis-je savoir s’ils travaillent vraiment tout le temps ? »
  • « Et notre culture d’entreprise ?? »
  • Et les réunions ? Comment savoir si les gens sont attentifs, qu’ils ne regardent pas leur courriel en même temps ?
  • Pfff…

En y repensant, et après avoir rencontré un expert américain récemment à ce sujet, tout cela se résume en un mot : confiance.

En 1998, mon patron m’a fait confiance. Il n’a pas eu d’occasion pour remettre en doute cette confiance. J’ai fondé ma compagnie en 2005 et il a depuis ce temps reçu plusieurs promotions et est maintenant à la retraite… et on se voit encore 1-2 fois par année.

25 ans de travail hybride.

L’environnement et la confiance étaient propices à ce mode de travail et de performance.

La technologie était à un niveau très bas en comparaison à aujourd’hui.

Je n’avais pas d’internet à la maison.

Les vidéoconférences faisaient partie des salles Hi-Tech de grosses compagnies.

Je n’avais pas de cellulaire.

Et ça marchait quand même.

Pas de questions, pas de préoccupation, seulement des résultats.

Et de la confiance.

Cette confiance que j’ai aussi développée de mon côté lors des premières années comme entrepreneur.

Lorsque mes fils furent en âge de travailler, je les ai engagés. Mon ordinateur de « back-up » (oui, un ordinateur de plus au cas où quelque chose arriverait à mon ordinateur principal… J’ai toujours eu des plans « B » au cas où…) devenait l’outil de travail de mes fils. Un à la fois, car ils sont nés à 5 ans d’intervalle.

Le fait d’engager ses propres enfants est un privilège immense ! Mais on ne peut les congédier sans conséquences graves ! Ceci m’a fait réfléchir aux conditions dans les entreprises. Et si on ne pouvait congédier les gens qu’on embauche ? Le processus de sélection serait différent, le processus d’immersion serait différent, la Formation serait différente !

Et les attentes au niveau de la performance seraient…. Les mêmes !

On travaille pour obtenir des résultats !

Parce que mes fils ne travaillaient pas au même rythme que moi, parce que leurs idées et leurs façons de faire étaient aussi différentes, parce que les premières tentatives n’étaient pas comme je les voulais… nous avons eu des discussions !

  • Qu’avais-je demandé ? Quelles étaient les spécifications exactes ?
  • Quelles étaient mes attentes au niveau du temps requis ?
  • Quel niveau de délégation était-il nécessaire pour telle ou telle tâche ?
  • Comment aurais-je fait les choses…comment pensaient-ils les faire ?

Quelques chocs et intenses discussions plus tard, j’en ai tiré quelques leçons

  1. mes attentes n’étaient pas claires !
  2.  leur vision des choses est souvent aussi valable que la mienne=
  3.  le temps de faire les choses… ahhhh intéressant.

J’ai fréquemment discuté avec mes fils de l’importance d’atteindre l’objectif. Ils m’ont vu travailler à des heures habituelles (genre de 9 à 5), mais aussi le samedi matin pour faire des lectures. Ils m’ont aussi observé quand je prenais de longs dîners avec des clients (… ou des amis !) pendant les journées habituellement consacrées au « travail ». Et ils ont aussi remarqué que j’accomplissais mes objectifs. Et ceci, avant et après la fondation de mon entreprise. Chez mon employeur précédent ou lorsque j’étais mon propre patron.

Un jour, un de mes fils, qui travaillait avec moi dans mon bureau, confortablement assis dans un fauteuil, son laptop sur les cuisses, m’interpelle en fin de journée et me dit :

« Ah oui, je ne facturerai pas mes heures pour cet après-midi. »

Ah bon ? Pourquoi pas ?=

« Parce que j’ai passé tout l’après-midi sur Facebook ! »

Rien d’urgent ne devait être terminé ( je les engage pendant les vacances estivales scolaires et peu de clients ont des urgences à cette période). Ce soir-là, je vois mon fils à sa table de travail, dans sa chambre, écrivant sur son ordinateur. Il se retourne devant mon regard interrogateur.

« Je finis les téléchargements et les derniers ajustements. Ah oui… ça, je vais te le facturer ! »

WOW !! Je ne pus que le remercier pour son intégrité et pour son éthique de travail.

Le même genre de situation est arrivée avec mon autre fils. D’autres circonstances, d’autres projets, mais toujours la même éthique de travail et le même niveau de responsabilisation. Pour ceux qui ont encore des doutes sur l’impact de la confiance… ça marche à deux sens !

Et pour la petite histoire, je n’avais aucun problème à payer pour l’après-midi de Facebook ! Après tout, qui peut se vanter de travailler 100 % du temps pour son employeur et de ne jamais perdre de temps pour quelques raisons que ce soit. À mon avis, quand un travailleur de la connaissance prend une pause lorsque le cerveau ralentit est simplement un acte de professionnalisme. Il est bien connu que le cerveau fonctionne mieux sans pression. Les grandes idées arrivent plus souvent en prenant une douche ou en se réveillant qu’en étant collées à un écran d’ordinateur ou devant des collègues dans une salle de réunion !

Lorsque fut venu le temps d’embaucher des collaborateurs externes, je me suis efforcé de les traiter de la même façon. Encore une fois, le travail à distance était de mise, sans question. Nous discutions au téléphone ou en vidéoconférence, à l’occasion en face-à-face et je recevais une facture à la fin du mois. Je n’ai jamais douté que le travail avait été fait ou non. On discutait, on travaillait. Et je payais pour le travail.

Lorsqu’on me disait que certains jours ne seraient pas facturés pour cause d’absence, je ne posais pas de question. On convenait des objectifs et des dates de reddition de compte et c’était tout.

Oh, tout n’était pas sans vague ou sans ajustements, mais au final, tout fonctionnait.

Le mode « hybride » n’existait pas à cette époque. On appelait ça travailler ensemble.

En respectant les conditions de chacun et en utilisant la technologie de l’époque. Cette technologie qui évolue sans cesse et qui n’est que très rarement la source des inconforts dans ce mode de collaboration.

Confiance.

Éthique de travail

Oui, culture d’entreprise. À travers des comportements abordés ensemble, ajustés ensemble et discutés ensemble.

Je ne peux que citer de nouveau un des sages qui m’a inspiré depuis presqu’une décennie, Jon Husband, l’homme derrière le concept de « wirearchy ». Sa définition de la connectarchie/wirearchy est saisissante et reflète plus que jamais cette époque où le mode de travail hybride semble causer tant de maux de tête aux gestionnaires.

Wirearchy

“un flux dynamique de pouvoir et d’autorité,

fondé sur l’information, la confiance, la crédibilité

et l’accent mis sur les résultats,

rendu possible par l’interconnexion

des technologies et des personnes”

Tout ceci me force à réfléchir sur la perte de confiance entre nous. Sur la notion de pouvoir telle qu’imposée par les hiérarchies et les organigrammes qui ont dominé le monde du travail depuis la révolution industrielle. La perte de confiance et son insidieux effet sur l’autonomie des gens et leur vision de l’autorité.

Nous étions autonomes lorsque nous étions une société de chasseurs-cueilleurs.

Nous étions aussi autonomes lorsque nous sommes devenus sédentaires et agriculteurs.

La séparation des responsabilités entre patrons et employés a été exacerbée par F.W. Taylor et la publication de sa philosophie du travail en 1911. Philosophie et séparation des pouvoirs que je résume ainsi :

« Y en a qui pensent et y en a qui poussent !» Yurz Troolie

On voit maintenant des gestionnaires hésiter lorsque le temps de prendre une décision financière de 100 $ se présente à eux. Je le vois trop souvent lors de mes interventions. Ce moment d’hésitation et de peur…

« et si cette dépense était refusée ensuite ? “

“Je vais attendre et demander la permission (si j’y pense) et la prochaine fois, dans 2,3 ou 8 semaines, je saurai si je peux le faire.”

Une permission qui coûte toujours très cher puisqu’une organisation qui ralentit ou qui n’avance pas est une organisation qui stagne… et meure.
Étant donné que chaque décision comporte ultimement un aspect financier associé à cette dernière, nous trouvons maintenant des gestionnaires qui n’osent plus décider… de rien. De crainte de faire une erreur ou de devoir justifier leur décision. Fidèles au dicton » la seule façon de ne pas faire d’erreur est de ne rien faire. »

Qu’en est-il de ce « flux dynamique de pouvoir et d’autorité » imaginé par Jon Husband en 1999 ? Prophétique, utopique ? Je ne crois pas. Je rencontre des gens pour qui les préoccupations du mode hybride n’existent simplement pas. Décider si les collègues peuvent travailler de la maison ou non est une non-décision. Chacun peut et doit pouvoir choisir la meilleure façon d’accomplir les objectifs, au bénéfice de tout un chacun.

Confiance.

Éthique de travail.

Culture d ’ entreprise.

Wirearchy.

La pandémie nous as offert sur un plateau d’argent une opportunité de changer de paradigme. Nous DEVIONS nous adapter pendant les périodes de confinements. Tout le monde fut surpris de voir que le monde ne s’est pas arrêté de tourner …et a même tourné un peu plus sereinement et efficacement…

Les mandats de RTO (Return To Office) ne sont-ils que des caprices de gestionnaires qui veulent retourner à “la normale”… ou plutôt, selon votre position dans la hiérarchie, à “l’anormal!” ?

La crise organisationnelle annoncée avec les nouveaux concepts de travail distribué, les demandes “anormales” des ces employés de la génération Z ou plus jeunes et les défis de logistique qui les accompagnent serait-elle un relent de cette emphase de tenter de tout contrôler?

“Command and control” fut la philosophie du XIXème   et du XXème siècle.

“Guide and Trust” pourrait-elle s’enraciner et se développer au XXIème  ?

Hybride ? Faites-moi confiance !

Et pour citer un autre personnage célèbre ( je vous laisse deviner)

« Just watch me! »

 

Pour citer Jon Husband de nouveau « This thing is not going away! »…


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Photo du haut de page : Olia Danilevich, https://www.pexels.com/

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