La structure de l’aléatoire
J’œuvre dans le domaine du développement organisationnel depuis, oh, plus de 25 ans.
En 1996 on m’a confié un mandat de formation par dépit. J’étais superviseur de production pharmaceutique et depuis quelques mois j’avais donné des formations sur la microbiologie et la prévention de la contamination à mon équipe de sanitation des salles propres. Et ensuite, au reste de l’organisation, pour ensuite planifier, concevoir et diffuser les formations annuelles en bonnes pratiques de fabrication. Le directeur de l’usine réalisa alors que je donnais plus de formation que le coordonnateur de formation officiel et m’assigna à cette nouvelle position.
Ce que je ne réalisais pas à cette époque est que je voyais mon rôle plus large que simplement de la formation… je «poussais» aussi des concepts d’organisation du travail et des notions de gestion.
De plus, étant du type revendicateur et aimant les remises en question, je remettais en doute constamment la «game» jouée par le syndicat dans leur interprétation de la convention collective.
Bref, sans le savoir, je balbutiais du D.O.. Et au fil des questions sur ce qu’est le Développement Organisationnel et de n’obtenir aucune réponse satisfaisante, je trouve ceci, ce matin du 2022-09-12, en écrivant mon article.
«Bien qu’il n’existe pas de définition unique au développement organisationnel (DO), plusieurs s’entendent pour dire qu’il s’agit d’un effort planifié et systémique à l’échelle d’une organisation. Guidés par des valeurs humanistes et par des connaissances en sciences béhaviorales, les intervenants en DO visent, en collaboration avec la direction générale, à améliorer l’efficacité organisationnelle tout en promouvant la santé du personnel. Le DO s’opère ainsi sur des dimensions rationnelles, émotionnelles, et relationnelles.» 16 mars 2022… assez contemporain.
Donc je fais du DO depuis 25 ans. Eh bin!
Et ce que je constate, avec 25 ans de recul c’est que… ça n’avance pas trop vite. En toute objectivité, et ce malgré les grands bonds technologiques et sociaux que la pandémie de 2020 nous a forcés à accomplir, je ne peux que constater que, foncièrement, les changements ne sont pas au rendez-vous .
Je reprends la définition
«… un effort planifié et systémique…»
Oh boy! Oui, on planifie… pour ne pas respecter le plan ensuite. Tout cela est valable puisque, comme se plaisait à dire le Général et président Eisenhower, «les plans sont inutiles, mais la planification est essentielle!»
Rappelez-vous… on vit dans un monde VICA
- Volatile
- Incertain
- Complexe
- Ambigue
Et même un monde VICA à la sauce 2020
-
- Virtuel
- Inconnu
- Chaotique
- Asymptomatique, euh, asocial, euh… Adaptable?
«… à l’échelle d’une organisation…»
Hmmm. On essaie plutôt à petite échelle… de peur de trop offenser.
OU alors, à l’inverse, une initiative «CORPORATE» qui tente de donner le même remède à tout le monde sans considérer les spécificités locales…
Dans les deux cas… on ne persiste pas assez longtemps pour faire du vrai développement… Plutôt des tentatives qui s’essoufflent avec l’arrivée du nouveau CEO… ou encore des tentatives qui reprennent vie pour augmenter les profits au dépens des travailleurs… du pur Welchism!
«… Guidés par des valeurs humanistes…»
Ah oui, des valeurs humanistes! On en parle beaucoup depuis 25 ans de ces valeurs humanistes et on passe à d’autres rapidement si une crise financière se pointe. On restructure (c’est-à-dire qu’on met à pied) des employés à la pelle lorsqu’il faut respecter le plan financier. «Nos employés sont notre atout le plus important» eh oui, une grande vérité qui se concrétise rarement en temps de refonte du budget. Malgré cette grande vérité — car après tout ce sont ces mêmes employés qui accomplissent le travail — on d’une structure à une autre moins coûteuse, qui ajoute de la «valeur» (oui, oui, des revenus et profits) à l’organisation.
«… et par des connaissances en sciences béhaviorales…»
Ah ça, je vous jure que les employés apprennent vite les nouveaux comportements qu’on attend d’eux… c’est ça ou la porte lors de la prochaine re-org!
«… les intervenants en DO visent, en collaboration avec la direction générale, à améliorer l’efficacité organisationnelle…»
Avant de lancer mon entreprise en 2005, un de mes mentors (Benoit Savard) m’avait suggéré la lecture de «Strategic Business Partner» dans lequel on décrit entre autres l’importance de tisser des relations personnelles et professionnelles avec les membres du comité de direction. Des relations, des interactions authentiques et non seulement stratégiques et manipulatrices.
Je remarque une grande faiblesse de ces relations dans les organisations. Presque tout est mesuré, politique, intéressé, accompagné d’une grande peur organisationnelle implicite… une culture malsaine.
«… tout en promouvant la santé du personnel…»
Ah bon. Le fait est que les burn-out, dépressions, démissions ou présentéismes montrent tous des indicateurs à la hausse démontrent pourtant le contraire.
«Le DO s’opère ainsi sur des dimensions rationnelles, émotionnelles, et relationnelles.»
Bin oui, bin oui.
Beaucoup de modes, donc. Pour suivre les tendances, sans profondeur. Combien de fois, mes clients me répondent-ils qu’ils ont vu passer beaucoup d’eau sous les ponts. Combien de fois, ai-je vu des gestionnaires de talents survivent à ces tendances en prenant du recul, en ne s’impliquant pas trop pour ne pas se brûler… en sachant que l’agent de changement engagé à grands coups de tambours et trompettes 2 ans plus tôt n’en avait plus pour longtemps…
Et malheureusement combien de gestionnaires ai-je vus, engagés et passionnés par les changements annoncés, faire des pieds et des mains pour convaincre et embarquer leur équipe pour ensuite devoir réaliser, la tête bien basse que toute cette énergie était… disparue.
Que de ressemblances avec les discours préélectoraux d’ailleurs.
Ce qui me pousse à écrire aujourd’hui est un commentaire lu sur Twitter :
«To achieve real culture change,
executives should focus on and show discipline in
how they structure the human interactions that make up an organization’s working day.»
Roger Martin
Revenons à la définition de DO :
«Bien qu’il n’existe pas de définition unique au développement organisationnel (DO), plusieurs s’entendent pour dire qu’il s’agit d’un effort planifié et systémique à l’échelle d’une organisation. Guidés par des valeurs humanistes et par des connaissances en sciences béhaviorales, les intervenants en DO visent, en collaboration avec la direction générale, à améliorer l’efficacité organisationnelle tout en promouvant la santé du personnel. Le DO s’opère ainsi sur des dimensions rationnelles, émotionnelles, et relationnelles.»
«Focus and show discipline in how THEY structure human interactions»
J’ai flippé!
Ma réponse spontanée au Tweet…
«As if the brain ‘structures’ its neurones’ interactions to make them work ‘better’ … basic biology, ecology, cosmology, etc. tells us that randomness is good!»
Plus je me renseigne sur la complexité organisationnelle, la théorie du chaos, les défis des entreprises, la volatilité du marché et plus je réalise que
- Je ne comprends toujours pas (Ça me rassure de voir que Henry Mintzberg sort tun livre dont le titre est « Understanding organisations..finally« )
- J’ai encore beaucoup à apprendre
- Les gens qui pensent avoir compris ne comprennent vraiment rien s’ils croient pouvoir structurer les interactions humaines et espérant les rendre productifs et heureux
- Finalement le parcours évolutif, chaotique et complexe est beaucoup plus important que la destination!
Au fil des rencontres initiées en grande partie par mon ami Jon Husband et les communautés internationales Slack qui m’ont accueilli depuis, je réalise que ce parcours sans destination finale ne plaît pas aux gestionnaires et dirigeants qui se pallient à imaginer que leur rôle est de structurer et de contrôler les gens autour d’eux.
Étrangement, la synchronicité a encore joué un rôle dans l’élaboration de cet article. Je recevais il y a quelques jours un Tweet qui nous amenait à cette vidéo de la BBC, tournée en 1979, sur le travail du futur… pour 1981. Bien que ceci pourrait nous sembler comique (les sons de l’imprimante entre autres!) Il est tout de même surprenant de voir à quel point ces visionnaires ont imaginé un futur aujourd’hui étrangement réaliste.
-
- Le travail à distance qui a soudainement pris des proportions immenses depuis le début de la pandémie.
- Les composantes technologiques d’un environnement de travail à distance
- La façon de planifier son travail…
- Il ne manque que la vidéoconférence. Mais celle-ci fut annoncée en 1986 par Apple 7 ans plus tard, mais quel avancement dans la vision du futur, leur futur qui est maintenant notre présent!
Le présent n’est pas la suite du passé,
mais le début du futur.
Yves Lusignan
Prophétique…
Que notre présent nous apprend-il?
La pandémie nous a forcés à remettre en question les structures traditionnelles du travail. On l’a vécu, lu et entendu sans cesse depuis mars 2020. L’adoption forcée du télétravail s’est effectuée somme toute assez aisément. Achat de vidéo caméra et de nouvel équipement pour certains, réaménagement de l’espace bureau à la maison pour d’autres, questionnement sur le rôle d’un gestionnaire pour certains et doute existentiel pour d’autres!
Réflexion sur l’autonomie et la confiance envers les autres pour la plupart!
Réflexion également sur la pertinence et l’omniprésence des réunions…
Il est d’ailleurs vraiment intéressant de l’écouter le vidéo de la BBC et de voir le sujet de la conférence du 4 septembre 1989 vers laquelle l’actrice s’envole en Concorde ( rien de moins) : «Les managers refusent d’utiliser les outils de télétravail!»
Prophétique encore une fois!!!
Et le retour à la «normale» tant souhaité n’est pas encore arrivé!
D’un côté plusieurs compagnies voulaient remettre en place les mesures de contrôles qui leur sont si chères. De l’autre les travailleurs désiraient conserve cette nouvelle autonomie qu’ils redécouvraient! La définition de «normale» fut elle-même remise en question… était-ce vraiment normal avant la pandémie? Voulait-on vraiment revenir à la «normale»… Ou était-ce plutôt l’anormal?
La nouvelle complexité du monde de travail ne menaçait pourtant pas la performance et la productivité ..Au contraire!
La pénurie de la main-d’œuvre, bien que cruelle dans certains milieux, ne forcent — elle pas la réflexion sur la nature et la pertinence de certaines tâches, de certains actes bureaucratiques dont la raison d’être remonte à l’ère précambrienne de l’ère moderne, quand les fax et les dactylos régnaient?
Et si l’apparent manque de contrôle était en fait salvateur?
La nature regorge d’exemples où l’adaptation au chaos n’est qu’une question de temps avant qu’un nouvel équilibre survienne. Oh, permettez-moi de reprendre cette phrase. La nature EST à chacune de ces itérations une adaptation à un environnement changeant. Le statu quo n’existe pas. La stabilité est synonyme d’échec et de déclin. Pourquoi nos organisations persistent-elles à vénérer le contrôle et la stabilité? Pour un dividende trimestriel aux investisseurs? Comment nos dirigeants peuvent-ils rester aveugles aux subtiles interactions entre les multiples systèmes qui composent notre environnement, nos sociétés et nos institutions?
J’adore les notions de transcontextualisation (échange d’information entre systèmes complexes) que Nora Bateson a mis de l’avant avec ses concepts de Warm data.
Warm data : information concernant les interrelations qui intègrent les éléments d’un système complexe.
Ah, mais, nos dirigeants sont beaucoup plus intéressés à contrôler les éléments des systèmes plutôt que de comprendre les interrelations complexes entre eux!
Management and authority should be divorced , salon HAROLD Jarche. Une vérité malheureusement peu comprise aujourd’hui.
Imaginons un instant le rôle d’un gestionnaire habilité à comprendre la complexité des relations et interactions aléatoires de son équipe. Son rôle, essentiel, se résumerait à se renseigner sur les situations et à échanger les informations entre les systèmes afin que les éléments de ces derniers puissent rapidement réagir à cet afflux informationnel pour ajuster les opérations, en tout autonomie, mais en pleine possession des données relatives à leurs rôles respectifs.
Un rôle de lubrifiant dans un engrenage complexe et efficace.
Et non un rôle de grain de sable dans ce même engrenage!
Drucker le disait si bien à la fin de sa vie : «Une grande partie de ce qu’on appelle management consiste à rendre le travail des gens difficile.»
Revenons une dernière fois sur ce qui me pousse à écrire aujourd’hui
Un Tweet récent :
«To achieve real culture change, executives should focus on and show discipline in how they structure the human interactions that make up an organization’s working day.» Roger Martin
Et une définition de DO :
«Bien qu’il n’existe pas de définition unique au développement organisationnel (DO), plusieurs s’entendent pour dire qu’il s’agit d’un effort planifié et systémique à l’échelle d’une organisation.»
Discipline pour structurer les interactions…
Effort planifié…
Et si on avait l’humilité de s’inspirer de la nature et du joyeux chaos qui y règne?
Et surtout s’inspirer de ses succès millénaires?
Et si on tentait humblement de supplément structure nos comportements face à la nature aléatoire de nos organisations en nous assurant de faire voyager l’information, le warm data, en pleine connaissance de l’effet de la transcontextualition, ce partage d’information entre systèmes complexes et leur contexte spécifiques?
Oh, oui… ça semble un peu opaque écrit comme ceci, mais relisez lentement…
En gros… laissez aller, faites confiance et partagez de ce qui vous savez.
«Son agir, sans agir,
est un laisser faire qui n’est pas ne ne rien faire du tout,
car il revient à faire en sorte que cela puisse se faire tout seul.»
Francois Julien
La structure de l’aléatoire…
une dichotomie et un changement de paradigme qui méritent quelques réflexions.
Le livre de Niels Pfleaging que j’ai eu le privilège de traduire!
S’organiser pour la complexité! Disponible dsur Amazon.ca
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