Lettre au père Noël 2023

Faim à la fin.

Tu as bien lu cher Père Noël

Pas fin à la faim, mais faim à la fin.

On lit et on entend beaucoup parler de contributions financières et alimentaires pour aider les familles dans le besoin.  En cette période d’abondance apparente (si on fie aux prévisions d’achat de cadeaux) il faut nous rappeler que de plus en plus de familles arrivent à peine à joindre les deux bouts après 2 années d’inflation et d’une facture d’épicerie qui ne cessent de gonfler.

Que ce soient les guignolées de toutes sortes, les levées de fonds sociales, les grands organismes de charité ou autres, la période qui s’annonce voit de multiples sources de sollicitation nous assaillir de toutes parts.

Oui, nous assaillir. Nous harceler presque. En jouant sur notre sentiment de culpabilité d’avoir pensé à dépenser pour des babioles pour nos proches, on nous martèle que plusieurs personnes autour de nous ont faim, tout simplement.  Et on devrait se sentir coupable, assez coupable pour contribuer généreusement à tout ça.

Et toi Père Noël, toi qui représente l’esprit d’abondance et de bonheur, toi Père Noël qu’en penses-tu ? Que fais-tu ? Est-ce que ton image de marque cadre encore avec la société qui glorifie le temps des Fêtes ?

On nous parle de la fin de la faim. Je préfère avoir faim à la fin. OU plutôt j’ai faim de la fin.

La fin de cette dichotomie qu’est notre société d’abondance.

Une société qui, l’espace d’un clignement d’œil de l’histoire de l’humanité, a fait croire à tout un chacun que nous pouvions tous avoir TOUT ce que nous désirions sans penser aux conséquences. Cette abondance qui, comme me le faisait voir Seb Paquet, pourrait bien être la raison de notre perte. J’ai donc faim de voir la fin de notre ère d’abondance superficielle.

Je dois te l’avouer cher Père Noël… nous avons cessé l’orgie d’échange de cadeaux depuis quelque tannées.  Le Vendredi Fou, le Cyber lundi, le boxing day, les vents d’Avants Noël et Amazon ont normalisé les achats compulsifs. Mon approche face à ces tentations est la suivante : cet achat me rendra -t-il vraiment plus heureux ?

Ceci me force à réfléchir à ce que je veux accomplir pendant mon temps sur cette planète.

Ceci me force aussi à vraiment penser à ce qui me reste à accomplir avant de retourner à l’état primordial qui nous a vus émerger des boues préhistoriques.

Ceci me pousse aussi à réaliser que nous sommes bien peu de choses finalement. 

As-tu vu les photos du nouveau télescope James Webb ? Méchante leçon d’humilité! Nous ne sommes vraiment rien à l’échelle de l’univers. Doit-on en conclure que nous pouvons abdiquer et continuer notre descente infernale vers les catastrophes climatiques et l’annihilation de la race humaine, emportant avec nous des milliers d’espèces victimes de notre honteuse excavation et utilisation des ressources à notre disposition ?

Non.

Aider son prochain, contribuer à notre façon à améliorer la condition des moins chanceux (car on a beau se dire qu’on est bon et qu’on a droit à notre succès, la chance a toujours un petit quelque chose à contribuer à notre destin!), s’efforcer de changer les choses qui peuvent l’être tout en acceptant avec humilité ce qui ne peut changer… ouf… lourde lettre cher Père Noël.

Mais pourquoi diantre, dois-je philosopher à ce point en ce temps de réjouissance ?

  • La guerre en Ukraine qui dure depuis presque 2 ans y est-elle pour quelque chose ?
    • Le conflit qui a dégénéré entre Israël et la Palestine aussi ?
      • Les innombrables feux de forêt de l’été dernier qui nous ont fait respirer l’air vicié nos excès
        • Ou est-ce le triste anniversaire de la quatrième année de la COVID, qui est devenu endémique ?
      • Ou encore l’inflation qui afflige tout le monde et incite mes clients à annuler leurs renouvellements annuels à mes interventions ?
    • ou les élucubration de ce démon orange chez nos voisins du sud ?
  • Ou est-ce cette folle idée de tout arrêter et de regarder le train passer….

Une épaisse couche de poèmes givrés a recouvert nos gazons récemment. Un baume gelé qui nous fait oublier l’automne trop chaud, mais peu ensoleillé qui s’achève. Un sapin naturel « bio » m’attend le soir au retour à la maison. Un sobre, mais chaleureux sapin de Noël savamment décoré par ma douce moitié qui, cette année, ressentait cette pulsion de Noël de nouveau.

Le temps froid nous rappelle une certaine normalité de l’hiver…

Et Noël qui approche malgré une charge de travail inhabituelle….

J’ai presque oublié de t’écrire.

Je tente de voir toute la beauté du monde. J’y arrive en restant réaliste et je tamise mon cynisme.

Bizarrement, malgré le ton de cette lettre, ça me fait du bien de t’écrire, toi, Père Noël, présence désincarnée de nos fantasmes d’abondance et de croissance infinie, mais tout aussi réel que l’adulation portée par des milliards de gens aux déités indicibles de l’histoire.

Hmmm…. Mon athéisme endurci frémit à cette idée.

On a tous besoin d’un peu de rêve.

Merci d’être là.

Les autres lettres

2007 Noël ? Déjà?

2008 Liquidation de Noël

2009 Cadeaux de Noël, pas un cadeau!

2010 Les 3 Noels

2011 Lettre de Noël

2012 Dernière lettre au Père Noël

2013 Le père Noël en semi-retraite 

2014 Relativement Noël

2015 Noël, pas un cadeau

2016 Les deux cadeaux

2017 Cheminée bouché

2018 Présence ou présent

2019 : Noël est mort!

2020 : Lettre incertaine au Père Noël

2021 : Un autre petit Noël 

2022 :Le retour

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Photo du haut de page : Kristina Paukshtite, https://www.pexels.com/@kpaukshtite/

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